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LES PEAUX MORTES

 

Dans un tout petit tiroir du secrétaire, dans une pochette Kodak défraichie, une dizaine de petites photos d’identités, aux bords frangés et cornés

Au dos une date, 1954, avant ma naissance

Et des prénoms, Suzy, Rosa, Esther…

Des amoureuses, des cousines, des camarades d’études ?

 

La maison de mes parents est vidée. N’est plus.

Ces souvenirs là, quelques petits bouts de cartons dont l’empreinte chimique a survécu à l’existence de mon père, restent sans légende.

Donc totalement disponibles à ma folie imaginative.

Gratter la surface de papier, scruter les regards, les sourires, déplier les indices que proposent les coiffures, les vêtements

Mais ce temps passé à tenter un impossible déchiffrage, vain mais passionnant,

à frotter, à rêver, à vouloir laisser émerger…

Le trésor n’est pas dans le coffre mais dans l’attente, dans la reconstruction, dans la frénésie de la recherche, tout ce temps où creuse la pelle.

 

Se souvenir d’un achat, au fond des souks de Marrakech, de lambeaux de filets de pêche colorés et enduits de savon noir. Pour frotter, récurer, éliminer les “Peaux Mortes“ 

Et que dans ce geste, au plus près de la chair tendre, se livre le plus précieux des secrets

L’infini pouvoir de l’imagination à combler les vides laissés par notre histoire révolue.

 

 

                                   Michaël SERFATY – septembre 2020

 

 

 

 

Sous-série de «Fanées»

Sous-série de «Mes Marocs»

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