Si Précieuse

 

 

Éviter. Retarder.

En tous cas prendre le temps de laisser émerger.

Comme ces sacs en plastique colorés sur la grande plage d’Essaouira,

mi-enfouis mi-émergés.

Disparition ou résurrection.

 

Ceux qu’on aime, qu’on évoque, qu’on raconte, restent vivants même du fond de leur enfouissement.

 

Tous ces autres portraits de femmes, américaines, brésiliennes,

ces autres présences, jeunes, promises au monde,

c’était pour mieux revenir à elle.

Sans vraiment réfléchir, sans vraiment élaborer.

Ça monte doucement on le perçoit de loin.

Il y a des indices. D’abord elle me manque. De plus en plus. Et puis ces longs moments devant son visage ou ses visages pour dire les ressacs des souvenirs qui déferlent en marées.

Tous ses visages, comme autant de femmes différentes.

 

J’ai renoncé rapidement à l’exercice chronologique ou même à la tentation

d’associer un temps, tiens là je devais avoir dix ans, là je n’étais pas né, là…

Et puis ses pacotilles. Vider les boîtes à sucre, les sachets nylons entortillés.

Beaucoup de boucles d’oreilles, clinquantes, des tas de colliers, même plus en verre, juste en plastique. Beaucoup de bagues, proéminentes, rugueuses. Quelques bracelets, parfois juste un élastique perlé. Des broches aussi, elle aimait ça les broches.

 

Même son regard a émergé. De l’imprimante.

Au début il m’a surpris. Après je l’ai guetté. À chaque fois elle m’apparaissait. Toujours jeune toujours apprêtée. Quelques fois si magnifique.

Je n’ai pas eu de chagrin. C’était juste le moment. De cette célébration douce, silencieuse, apaisée. Oui apaisée. Comme un miel doux qui coule en dedans pour dire la tendresse du moment, de ces retrouvailles accordées. Un baiser silencieux comme quand enfant j’enfouissais mon visage contre son ventre pour la serrer et la respirer. J’ai encore son odeur, indéfinie, juste elle.

Si précieuse.

 

 

                                                                       Michaël Serfaty - Mars 2023

 

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